Le Potager

Frère Sylvestre travaillait dans le potager. Un ciel clément et une température douce lui avait même permit de ne revêtir que sa chasuble de moine. Pas de chandail supplémentaire, ni de ce sacré bonnet qui lui donnait si chaud à la tête en temps normal.
Fier de sa réalisation, il prit un peu de recul pour contempler le rang de salade qu’il venait de planter. Il sortit de sous son aube une fiole d’un petit alcool de sa fabrication. En but une gorgée et la rangea aussitôt à sa place, bien au chaud.
Il attrapa ses outils et se dirigea vers une autre allée. Celle des choux. Ils avaient bien poussé durant la nuit. Et bientôt prêts à être ramassés. Sylvestre se pencha et là, comme un blocage. Impossible de faire un autre mouvement. Son dos à la perpendiculaire de ses jambes, il tentait vainement de se redresser, mais la douleur était trop grande.
Il s’aida de sa bèche pour se soutenir et ainsi s’apaiser, pensait-il, du mal qui commençait à parcourir son pauvre corps bien dodu. Il jeta un œil devant lui, redressant difficilement sa tête. Personne à l’horizon.

Y’a ti quelqu’un ? Houhou…

Il avança difficilement de deux pas. La douleur le tiraillait de partout.

Boudiou de boudiou de boudiou de boudiou. C’est ti pas possible d’être ainsi misérable.

Tant bien que mal il arriva à atteindre les couloirs entourant le patio. Et là, Ô providence, il réussit à s’assoir sur un banc de pierre. Mais le corps toujours aussi tordu.

Me reste donc plus qu’à attendre qu’une bonne âme pour m’aider. Saleté de potager. Saleté de choux. Heureusement qu’ils ont des bienfaits digestifs. Heureusement.

Gwen alors affairée en salle de cathéchisme avait vu la scène. Elle courut donc rejoindre le frère, demandant à ses ouailles de l'accompagner. Elle arriva, un fou rire commença à la gagner.

Oh mon Dieu! Vous êtes dégout... enfin euh...splendide...


Gwen éclata de rire

J'passais par là... comme ça... euh... Vous faites de la gymnastique là? Dites donc c'est que vous êtes athlétique vous... jamais je ne tiendrai cette posture sans souffrir de mille maux...

Gwen le regarda

On peut vous aider peut être?

Le Frère Sylvestre, assis sur son banc et plié en deux à cause des ces foutus choux, entendit arriver au bruit des sandales quelques personnes. Des voix de femmes. Chic se dit-il, il n’en espérait pas moins.

Il tourna la tête pour bien regarder. Ce fut comme une appariation Divine. Pas celle de la freluquette et néanmoins jolie jeune fille, mais celle d’une beauté toute en rondeur aux formes callipyges. Une religieuse à la voie enchanteresse, pointue et rocailleuse à la fois. Un visage respirant la santé et ridé à souhait. Exprimant là la marque d’une femme apte à toutes les tâches de la vie terrestre. Un corps d’une ampleur à faire rêver n’importe quel eunuque de la terre. En peu de mot, une femme, une vraie.

Oh ! Merci Mesdames d’venir ainsi à mon s’cours. Je ne faisions point là d’la gymnastique. Juste d’planter des choux et des salades. Mais je crois que le Seigneur dans son infinie bonté. Gloire à toi tout la haut.

Sylvestre se signa. Une fois, puis deux.

Bin, il a dit stop. C’est plus l’heure d’chouchouter les choux.
Et me v’là cassé en deux.
Si vous aviez la bonté ma Mère de m’décoincer. Ce serait pas d’refus.

Il lui tendit sa large main rugueuse.

Allez y d’un coup sec et violent. Tenez mon bras, pi l’autre, pi passez vot’ genou sur ma nuque et tirez le tout. Ca devrait s’remettre tout en place.

Gwen écouta le charmant moine, plus bedonnant que filiforme, plus moche que beau

Alors mon bon moine, des soucis? Quoi vous voulez que euh...je ....rooo... et devant...mes ouailles...

Gwen se mit à rougir, balbutier, ne sachant plus comment se sortir de ce guêpier. Elle vit l'oeil frippon de Djambelli et se dit que l'heure n'était plus à se soucier de sa réputation, Djambelli s'en chargerait.

Donc je dois...Tenir le bras, pi l’autre, er passez mon genou sur vot' nuque et tirez le tout. Ca devrait s’remettre tout en place.

Gwen releva sa chasuble et fit une leçon à ses ouailles: toujours aider les autres quand on peut est une chose essentielle à retenir

Gwen mit ses pieds de chaque côté du gros moine

Ca va aller! Respirer! Vous êtes tout rouge! Vous manquez d'air? Bon je fais au plus vite!

Gwen dut se hausser encore un peu sur la pointe des pieds, releva encore sa chasuble jusqu'à découvrir ses genoux qui avaient du ne jamais connaitre la maigreur tant ils etaient enflés, et mis son genou pour tirer un coup sec.

Un gros bruit sec se fit entendre.

Alors comment allez vous?

Par sa fenêtre il remarqua gwen et ses élèves dans le patio et vit qu'ils avaient l'air heureux, ce qui ne pouvait que le réjouir aussi.
Brave Mère Gwen, heureusement qu'elle est là pour nous remonter le moral, pensa t'il !

Malgré la douleur, Frère Sylvestre appréciait les gestes délicats de la Mère-Abbesse. Quand elle attrapa ses deux bras dodus, qu’elle appliqua son genou robuste et chaud dans son dos il sentit à un moment donner un « crac » de délivrance. Jamais avant il n’avait ressentit pareil soulagement.
Elle lui demanda si tout allait bien.

Bin oui. Ca m’a l’air bon. Tout est à sa place. Enfin...j'crois bin. Quel sacré genou qu’vous avez ma Mère.

En effet, tout fut remit en place. Y compris l’abbesse juchée sur son dos. Il lâcha sa bèche ne lui étant plus d’aucune utilité et se leva, tenant fermement les larges chevilles de la Mère perchée sur ses épaules.
Le poids était conséquent, mais Sylvestre était habitué à porter barils et tonneaux, carcasses et jambonneaux. Alors une naïade aussi divine que la Mère Gwen, c’était un plaisir.

Ca va là-haut ? Pas trop d’vertiges ?

Il fit un clin d’œil à la jeunette qui pouffait de les voir ainsi.

Z’avez vu Mamzelle, comment qu’on fait l’catéchisme nous autres ?

Roooo mon frère! Veuillez bien...Rooo...Imaginez....si Sa Sainteté

Gwen regarda par la fenêtre du bureau du pape et frappa fortement sur la tête du moine.

Viiite reposez moi! Sa sainteté est dans son bu....

Gwen se sentit vaciller

Rooo vous allez me faire tomber là...

Gwen s'agrippa aux cheveux, loin d'être très nombreux sur la tête du moine.

Ellle entendit Sylvestre dire Z’avez vu Mamzelle, comment qu’on fait
l’catéchisme nous autres ?

Rooo ne dites pas ça hein...et puis je venais vous aider moi. C'est quand que je retrouve le sol moi? Si Sa Sainteté sort, il va douter de ma bonne action et va plutôt penser que le catéchisme prnd une récréation.

Gwen se sentit une nouvelle fois vaciller et...

L'évêque revenu de Guernesey depuis peu, eut l'envie de découvrir par lui-même le fameux potager dont l'abbesse de Rouen lui avait parlé. A peine eut-il mis un pas à l'intérieur qu'il découvrit un curieux spectacle. Son état passa en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, de l'ahurissement le plus complet au fou rire incontrôlable. Allons-bon, vous êtes plutôt athlétique pour des gens d'église. Est-ce donc votre moyen pour approcher le seigneur au plus près. Ma chère Gwen cela ne m'étonnes pas de vous.

Se tournant vers le moine dont il n'avait pas encore eu l'occasion de faire connaissance :

Quant à vous mon cher, tel Atlas, vous semblez porter tout le poids du monde sur votre dos,
n'en déplaises à Gwen bien entendu...

S'accroupissant devant le curieux spectacle Korhiel continua à rire aux éclats et se dit à lui-même que décidement, il avait la chance d'avoir dans ses diocèses des personnages dont le caractère ne cesserait de le surprendre.

Sylvestre sentit les petits poings…les gros poings de Mère Gwen lui tapoter le crâne. Le suppliant de le reposer au sol, prétextant que le Pape pourrait les surprendre. Elle tenta vainement de lui tirer les trois poils qu’il avait sur le caillou, mais rien n’y fit.
C’est alors qu’un Evêque arriva et rigola de bon cœur. Affublant le moine du nom du géant Atlas. L’ecclésiastique Korhiel s’accroupit en riant de plus belle. Et le rire est communicatif parait-il. En tout cas ce fut le cas.
Sylvestre commença à avoir des soubresauts, des hoquets puis partit à son tour dans un fou rire. Mère Gwen haute perchée et s’escrimant à vouloir descendre provoqua le déséquilibre du robuste moine.

Hééééé….

La chute fut rapide et pourtant Sylvestre vécut tout cela au ralenti. Ce fut son genou droit qui atteint le sol en premier, puis l’autre, puis il fut déporté et emporté par la sylphide qu’il tenait sur ses épaules. Heureusement ils étaient sur l’herbe au moment de la chute. Mais les pluies de la veille avaient bien pris soin de laisser un sol détrempé.
Et c’est par un bruyant « spluarsch » qu’ils s'affalèrent.

euh...

Gwen se tâte partout

une fierté bien mal en point... des zygomatiques usés... des ouailles apparemment épanouis...

Gwen regarda Agathe et Djambelli hilare.

nous étions venus euh....enfin c'est que...frère Sylvestre...enfin il...euh... il était... euh...quand j'ai cherché à ... enfin bref

Gwen essaya de retrouver une once d'assurance

On était venu saluer Sylvestre qui rencontrait quelques soucis avec toute mon équipe.

Sylvestre, les quatre jambonneaux à l’air, était telle la tortue incapable de se relever. La bure trempée, le visage ruisselant d’eau de pluie il tenta vainement de se mettre sur le côté.
Gwen et Korhiel avaient beau lui parler, son seul souci était bien de retrouver la position « bipédique ». Après moult efforts il parvint enfin à mettre les deux pieds au sol.

Désolé ma Mère. J’pensais qu’un peu d’exercice vous aurez fait du bien.
Passer des heures assise à prêcher la bonne parole à ces ouailles mérite bien d’visiter les airs…et le potager.

Sylvestre essorait temps bien que mal sa robe. Tordant, pressant par petits bouts la laine épaisse.

Sinon, ça va aller Monseigneur. Vous en faites pas pour nous. Le Seigneur nous a doté d’un corps apte à rebondir.

Voilà qui me rassure frère Sylvestre. Hormis les déboires que vous rencontrez de temps à autre dans votre potager? Comment se passe la vie au monastère?

Sylvestre faisait de son mieux pour rester digne malgré les apparences.

Et ben Monseigneur, vous savez, la vie coule comme elle peut. Un peu comme cette eau d’pluie. De temps en temps faut essorer.

Il rechaussa une de ses sandales qui avait pris la liberté de s’enfuir lors de la chute.

Oh de rien ma Mère.

Aux paroles de l’abbesse, il sentit monté en lui comme un sentiment bizarre. Ses joues se mirent à rosir. Ceci dit, cela ne changeait en rien son visage déjà bien rougeaud.
Puis levant les yeux au ciel, il aperçût des mouettes comme lui indiquait Gwen.

Oh ! Les jolies…

Il eut le regard brouillé d’un coup.

…mouettes !

Il s’essuya le visage. C’était gluant et chaud. Et cela avait l’odeur de la marée.

Mais !

Esmée reçue le fruit de Gwen en plein sur la tête !

- Oh ! Ca je vais me venger !!

Elle attrappa un fruit à son tour, puis elle commenca a courir vers Gwen. Enfin elle lui lança le fruit, mais elle la loupa d'un demi centimètre :

- Ah j'ai vraiment pas de chance !! Je ne suis pas trés adroite !!!

Roooo Esmée! Tu as touché ma pauvr' curette

Gwen s'esclaffe comme une enfant.

Allez écoutez moi tous! Pourquoi est on venu dans ce potager selon nous? en dehors du fait d'être venue canarder Esmée.

Gwen leur sourit à tous