[RP] Dans le Château

Mon Seigneur ?

Hmm ?

Un geste souple de la main retirant sa plume du papier, et, dans le même temps François releva la tête en direction du domestique.

Le voilà presque philosophe... Presque. Il écrivait beaucoup depuis qu'il était revenu d'Hautevilliers où il apprit ce qu'il considérait comme de bien tristes nouvelles. Aussi sa première réaction fut d'écrire missive à ceux en qui il croyait le plus. Bien évidement c'était sans compter sur son frère qu'il croyait d'un soutient indéféctible.
Être militaire, c'était servir. Il le savait, c'était tout de même lui qui créa l'armée royale permanente et en fit les codes. L'Armée était au service du Roy, du peuple et des Provinces. Mais dans l'armée, et c'était la volonté de François, il y avait des officiers qui commandaient. Ces officiers avaient un rang élevé, et le Marquis en avait là une très haute estime. Ces officiers devaient prendre des décisions, en fonction des divers événements, mais aussi en fonction de leur conviction.
Peut-être était-ce ça le défaut l'armée au final... De permettre à des non-nobles d'en prendre le commandement. Car la tradition qui se devait d'être noble fut perdue, et la noblesse après tout, c'était des valeurs sûres, sur lesquels le Roy pouvaient compter, sur lesquels la France pouvait s'appuyer. L'une de ces valeurs était l'esprit chevaleresque et croyant... Voilà deux valeurs qui ne semblaient plus dans la mesure où aucune de ses missives n'avaient eu réponse. Mais ça il le dira à qui l'en faut...

Votre frère est ici.

Charles ?! S'écriât le Marquis étonné.

Mais qu'attendez-vous, faites le donc entrer !

Puis allant vers son frère, les bras en avant un tout de même un certain sourire franc.

Charles... Mon frère... Te voilà enfin... Puis l'éloignant un peu, il le regarda.

Alors voilà donc le Secrétaire d'Etat à la Guerre... Fit-il admiratif.

Sache décision de Sa Majesté Notre Roy ! Enfin... Avant tout cela...

Sa mine s'assombrit un peu.

Allez, prends donc place, veux-tu boire ? Manger peut-être ?

Il s'assit et invita Charles à en faire de même d'un signe de la main.

Prends donc place je t'en prie.

Il ria sur sa remarque.

Allons, allons, nommer un Nemours à la Guerre... C'est pourtant une évidence !

Il tourna la tête vers Jeannot qui avait passer la journée dans la réserve à compter les toiles de tente et les piquets de boits.

Jeannot... Mon Jeannot... Charles à grand soif, on ne peut le laisser dans cet état ! Amènes nous donc un pichet d'eau fraîche et une bouteille de notre terre... Disons un Montmélian.

Il reprit la conversation, cette fois-ci la mine plus sévère, marquant qu'il allait de suite entrer dans le vif du sujet.

Alors ainsi à peine me voilà de retour de Chambéry que je vois ton scel sur une annonce hérétique... Tu comprendras mon étonnement...

Pendant ce temps les domestiques s'afféraient, les uns allaient et venaient de la pièce aux cuisines d'où se préparait un repas, et Jeannot qui revint, silencieusement. Il servit les deux hommes inclinant la tête à chacun d'eux en leur donnant leur godet.

Au moins la question était directe. Mais ils n'allaient tout de même pas prendre de gants et jouer à se faire des mondanités. Charles prit un air plus grave en buvant une longue gorgée d'eau fraiche.

- Oui François, j'ai apposé mon sceau. Je comprends bien que cela puisse te troubler, nous qui avons été élevés dans la foy Pascale. Mais...mais mon frère, je te le dis tout céans, ma foi s'est effritée. L'attitude de notre Pape qui je trouve à bien été dédaigneux envers son Altesse Louis Edouard, le manque de présence des ses représentants et....

Il réalisait que tout ceci n'était que des excuses. Il ne pardonnait pas, lui qui prônait la tolérance, était incapable de la donner à son propre dieu.

- ...et, je n'arrive plus à croire en Pascale. Partout où je regarde je vois malheureux et âmes en peine.

Il serra le point fortement... Puis se leva brusquement renversa son godet à terre.

SUFFIT !

Il se déplaça vers le fenêtre et se mit à rire.

Cesses-donc ces sornettes Charles... Je te connais... Ne me sors pas des excuses toutes préparés par ton conseil... Ne me prends pas pour un sot, j'ai moi-même baigné dans la politique et je sais comment ça marche.

Il se tourna vers l'ensemble des domestiques.

Que tout le monde se retire... Silence... Seuls les bruits des pas des servants qui s'en allaient demeuraient dans la vaste pièce.
Le Marquis s'approcha alors de son frère, toujours ce sourire. Ce qui l'énervait, ce n'était pas le comportement de Charles, ni même sa façon de se conduire, mais la manière dont il se laissait faire.

Charles... Je vais te montrer que ces arguments ne sont pas de toi.

Il commença donc son petit discours.

Primo, l'attitude du pape. En quoi vouloir sacrer un roy dans la Foy était-il dédaigneux ? Il suffisait à Louis-Edouard de se rendre à Reims, mais comme il avait avec l'Eminence Grise Malborough déjà préparé cette division, inutile de s'y rendre.

Deusio. Le manque de présence de ses représentants... Pourtant des messes sont dites tous les dimanche à Paris, à Rouen et à Guernesey, j'ai fait avant de venir à Reims moi-même ce parcours des trois villes...

Tertio. Si tu allais justement à ces messes dans ces villes, tu serais peut-être que l'on y communique la joie de vivre.

Toujours son sourire aux lèvres, il se rassit confortablement.

Vois-tu Charles, inutile de me sortir de tels propos sur le ton de la franchise, je connais la politique et surtout je te connais toi.

Non... Les âmes en peine par contre oui, tu as du en voir beaucoup en venant ici... Parce que ton... Roy... comme tu le dis viens de diviser son peuple... Enfin, une nouvelle fois. Dois-je te faire remarquer mon frère que c'est la deuxième mesure de division de la France que vient de signer le Duc d'Anjou... Oui... Tu dois bien te souvenir... Le rétablissement des Ducs et des Comtes de Province...

Ainsi donc... Après ce retour à la féodalité, aux grands vassaux, et donc par ce fait rendre légitime qu'un parisien soit peut-être supérieur ou inférieur à un picard ou un normand par des coutumes provinciales, voilà qu'il re-divise le peuple dans son âme.

Donc non Charles... Tes excuses ne sont ni de toi, ni valable et sont empreintes de l'intolérance du Conseil.

Il conclut ainsi par l'évidence de la chose, buvant alors une gorgée de vin. Aucun cas il ne lui faisait la moral, mais intérieurement il était déçu que son frère ne jouait pas la franchise et préférait, comme bien d'autre, rester au chaud dans sa chaumière et avec ses charges que d'avoir des convictions et d'aller les défendre... Voilà ce qu'était devenue l'Armée Française, pire encore, ce qu'était devenue la Noblesse Française...

Charles se retourna subitement en entendant les paroles de son frère.

- Jamais je n'ai pensé que tu n'avais rien ressenti, jamais. Je sais la peine que tu as dû avoir et je l'imagine certainement aussi grande que la mienne.

La colère montait en lui. Il avait l'impression de ne pas être compris, de ne plus le comprendre non plus. Quelque chose se brisait et il ne voulait pas le voir. Son entêtement, sa certitude de vouloir absolument se donner raison parce qu'il estimait avoir fait le bon choix était entrain de dissocier les deux frères.

- Le royaume est tout pour moi. Tu le sais très bien. Et je me fiche pas mal de mon titre, de mon poste. Je préférerais mourir que de laisser mon intérêt personnel passer avant la France. Comment peux tu penser que je puisse me satisfaire de ma petite place chez les Grands comme tu dis ?

Charles ne savait plus quoi penser. Il s'était installé à ce poste pour lequel il avait travailler des heures, des nuits sans même compter son temps et maintenant, en écoutant François, il se demandait s'il n'avait pas été aveuglé par cette nouvelle fonction.

Non, se dit il. Pas lui. Jamais il n'aurait fait une chose pareille. Il se rappelait les paroles du Roi et fronça les sourcils pour piocher dans ses souvenirs.

- François, dit il soudain plus calmement, je...je crois qu'au contraire il faut du renouveau à la France et qu'elle cesse de s'enterrer dans de vieilles croyances qui jusque là ne l'ont menée nulle part.

Il avança jusqu'au bureau et reconnut la façon bien à lui qu'avait son ainé de poser ses affaires dessus ; le vélin roulé, la plume sur un support avec l'encrier encore ouvert. Il l'avait certainement dérangé en plein travail. Il se tourna de nouveau vers lui.

- Je voudrais voir un avenir pour notre royaume François. Mais je ne vois rien. Je ne vois qu'une papauté et une croyance desquelles je m'éloigne. Peut être as tu raison ? Peut être que je ne pense qu'à moi, qu'à mon poste, qu'à ma petite vie ? Ce qui est certain, c'est que tout ceci est entrain de nous détruire mon frère. Et de détruire les liens qui nous lient. J'aimerais te donner raison, et rien ne me rendrait plus heureux que de vivre cette aventure à tes côtés, mais je ne peux trahir les pensées qui m'envahissent ce jour, je ne peux trahir ce sceau que j'ai apposé sur le document royal. Je me trompe peut être à tes yeux, et je suis désolé si je te déçois, ce n'est pas ce que je voulais. J'irai au bout de mon choix, même si cela doit tout me coûter.

Il fit quelques pas pour récupérer ses gants posés sur le dossier du fauteuil.